Contributions

Perpétuité

39 ans, 15 ans avant, 24 ans après, une première respiration, puis une autre et une autre et encore une autre comme un tempo.

J’inspire, l’air revient dans mes poumons, le choc. La moiteur, la chaleur, la boue dans mes cheveux, sur mes doigts, sur mon visage, qui me brouille la vue.

J’inspire, l’herbe fraîche, les racines dans mon dos. La douleur qui se réveille, pommette, mâchoire, ventre, bas-ventre, anus.

J’inspire, le soleil, la plage du château royal, la mer aussi loin que je puisse voir, les copains, les premiers sourires, les rires, mon rire une toute dernière fois.

J’inspire, la nuit, le froissement de tôle de mon scooter, son odeur, ses mains, sa force, sa volonté.

J’inspire, mourir là maintenant, immédiatement, une libération.

J’inspire, le goût des glaces italiennes, les scoubidous, les pièces de cinq francs dans ma poche pour le marchand de bonbons, les épaules de mon père comme monture pour découvrir le monde.

J’inspire, les rats partout, la solitude, personne ne viendra.

J’inspire, le sourire de ma mère, les galettes de blé noir, le froid au stade de la route de Lorient, la main de mon cousin dans la mienne, les cris de joie des supporters.

J’inspire, je hurle, j’appelle à l’aide, je me hisse, me traîne, me relève.

J’inspire, je me détruis, me mutile, je disparais dans la folie.

J’inspire, j’asperge mon visage d’eau, les vieux stigmates sont là, pommettes, mâchoire. Tout est calme, paisible, pourtant je suis toujours hantée. 

Par Cass Kaur

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *